(Ce texte est l’adaptation d’une conférence donnée à la Société alpine de philosophie, le 2 avril 2014)
Le théâtre est l’arène où peut avoir lieu une confrontation vivante. La concentration d’un grand nombre de gens porte en soi une intensité exceptionnelle. Grâce à quoi, les forces qui opèrent et gouvernent la vie quotidienne de chacun peuvent être isolées et perçues clairement.
Peter Brook, L’espace vide.

Le théâtre : art du politique
Hannah Arendt a montré en quoi le théâtre est l’art politique par excellence. Dans La Condition de l’homme moderne, elle développe l’idée que le théâtre est le seul art qui ait pour unique sujet l’homme dans ses relations avec autrui. La parole et l’action sont les éléments constitutifs des relations humaines qui existent partout où les hommes vivent ensemble. L’être-ensemble consiste à partager les actes et les paroles dans un « espace du paraître », celui de la vie publique.
Le théâtre est précisément l’art qui met en forme les paroles et les actes des hommes pour les confronter, dans un espace symbolique, au jugement du spectateur. La dimension symbolique est, en partie, apportée par la séparation, serait-elle quasi immatérielle, entre le lieu où l’on joue et le lieu d’où l’on regarde. Cette coupure sémiotique est à l’origine du sens : elle conduit le spectateur à produire du sens par un travail psychique et sensible, son interprétation subjective ; elle est au fondement de l’interprétation de l’acteur. Interprétation qui se développe sur un double plan : compréhension du texte, d’une part, et jeu, d’autre part, destiné à une réception, “ici et maintenant”. Cet “ici” est alors une des conditions du spectacle. L’ici est un artefact, une construction humaine qui implique la transformation d’un lieu en espace.

Théâtre et politique visent, l’un et l’autre, à exercer une influence sur la vie collective des hommes et des femmes, et sur leurs représentations du monde. Pierre Vidal-Naquet rappelait que la tragédie a pris naissance en Grèce, lorsque les mythes commencent à être envisagés du point de vue du citoyen.
La relation entre théâtre et politique avait un sens dans une communauté, comme celle de la démocratie athénienne, où tous les citoyens étaient engagés, sans spécialisation, dans une aventure civique sans repères établis.
La tragédie construisait alors de manière publique « l’assise mentale du politique ». Cette référence mythique du théâtre suffit-elle à faire de la représentation théâtrale le creuset où se fonde le sentiment d’appartenance à une collectivité, où l’assemblée des spectateurs est réunie dans une même communion comme le voulait le Théâtre populaire cher à Jean Vilar ?
L’expérience du Théâtre du Soleil, à partir du début des années 70, met en évidence la nécessité pour Ariane Mnouchkine et son équipe de concevoir le dispositif scénique en fonction des visées de la représentation, qu’elles soient relatives au récit dramatique ou à sa fonction esthétique et sociale.
Ainsi, avec 1789 qui se propose de raconter la Révolution du point de vue des anonymes qui l’ont accomplie, il est indispensable d’inventer un dispositif pour rendre compte de la diversité des points de vue et de leur résonance. Le spectacle se construit autour d’un espace constitué de cinq estrades, reliées entre elles et autour desquelles les spectateurs peuvent se déplacer. Ce dispositif éclaté permet alors de montrer la diversité des “points de vue” , leur synchronie et le choix possible pour le spectateur d’un fragment de la représentation. Cette expérience conduira le Théâtre du Soleil à prolonger ce principe de travail. Comme le déclare, Guy Claude François, le scénographe du théâtre du soleil, récemment disparu : chaque spectacle impose une forme de scénographie différente et même (presque) une forme d’architecture, pas forcément une architecture construite pour le spectacle mais peut-être déjà ébauchée (travail théâtral, 1971, n°II). Ce principe esthétique a contribué, dans les années 70, à ouvrir la notion d’espace théâtral selon une perspective de rapports entre la dramaturgie, la scénographie et la “place du spectateur”.
L’espace théâtral : dispositif matériel et idéologique
Qu’en est-il aujourd’hui, du rapport entre théâtre et politique dans une société de communication, de réseau, de défiance vis-à-vis du politique ? Pour répondre à cette question, je voudrais l’aborder par le biais de l’espace théâtral. Et ce pour un certain nombre de raisons.
Raison sociale : Quel sens a la pratique de spectateur, et quelles fonctions pour la représentation théâtrale, dans une « société du spectacle » ?
Raison esthétique : Comment se déterminent les relations sensibles entre le lieu de la scène et celui de la salle. La relation et la coupure entre ces deux lieux, construisant l’espace théâtral ?
Raison culturelle : le théâtre a-t-il encore, comme dispositif de représentation, une fonction symbolique, sémiotique, idéologique majeure ?

Le mot espace est polysémique. Et l’usage du mot dépend du domaine dans lequel il est utilisé. Au-delà de cette question sémantique, c’est la notion même qui doit être interrogée.
Je reprendrai la perspective proposée par un géographe, Michel Lussault, qui définit l’espace comme « le produit, d’une activité sociale permanente : l’espace comme artefact ».
Les points de vue théoriques pour penser de l’espace public.
Il est nécessaire de spécifier la nature de l’activité prise en compte pour définir cet artefact. Je partirai de l’espace public, tel qu’il a été défini philosophiquement par Habermas. Pour ce dernier, la sphère publique est l’espace où se construit historiquement et sociologiquement une opinion publique, c’est-à-dire accessible à tous ; elle se présente comme un sphère particulière qui fait face à la sphère privée, celle où règne le pater familias, où pour utiliser la terminologie grecque, l’oïkos despotes, le maître de la maison où se construit l’organisation économique du travail.

Dans l’Espace Public : archéologie de la publicité comme dimension constitutive de la société bourgeoise (1962), Jürgen Habermas analyse la constitution historique d’un espace de discussion régi par le principe de publicité, par opposition à la logique de fonctionnement de l’autorité publique, dominée par le secret d’Etat. L’espace public est donc caractérisé par la présence de « personnes privées faisant un usage public de leur raison ».
La sphère publique bourgeoise, l’Espace public qui apparaît avec la Révolution française avec les salons, la presse et le théâtre devient un nouvel espace politique.

Bonaparte ne s’y trompe pas qui 15 ans après la création déclare : Le Mariage de Figaro, c’est déjà la Révolution en action ». Le Théâtre, dans la deuxième partie du XVIIIe siècle, devient la tribune de l’opinion publique bourgeoise.
Lieu/Espace
Michel de Certeau, examine dans Les arts de faire, les pratiques et les conduites qui permettent à l’homme ordinaire :
➢ d’échapper à la place qui lui est assignée dans une raison technicienne ;
➢ d’inventer le quotidien par des ruses subtiles, tactique de résistances et de bricolage.
Pour ce faire, l’homme, le sujet, détourne les objets et les codes ; il se réapproprie l’espace et l’usage.
M. de Certeau est conduit à distinguer lieu et espace. Est lieu, l’ordre (quel qu’il soit) selon lequel des éléments sont distribuée dans des rapports de coexistence. La loi du propre y règne : les éléments considérés sont les uns à côté des autres, chacun situé en un endroit propre. L’espace, lui, est constitué par des opérations qui l’orientent, le circonscrivent, le temporalisent, l’amènent à fonctionner en unité polyvalent de programmes conflictuels ou de proximité contractuelle.
L’espace est un lieu pratiqué (la praxis des grecs ) comme relation interpersonnelle.
Exemple de la rue : un lieu défini par les urbanistes et qui devient espace par le fait des piétons, des automobilistes, des transports en commun… La rue peut être détournée de sa fonction de circulation et devenir un espace théâtral : la rue devient un espace théâtral lorsqu’une action dramatique s’y développe pour des spectateurs réunis pour la circonstance.
Qu’en est-il de l’espace théâtral ?
Je le définirai dans une première approche comme la confrontation entre la scène et la salle, entre le lieu où agissent et parlent les personnages et le lieu où les spectateurs sont réunis ( assis ou debout ; mobiles ou non…).
La relation scène /salle ; une question esthétique
L’espace théâtral à deux fonctions essentielles :
➢ il gère la séparation des acteurs et des spectateurs dans deux lieux distincts et reliés ;
➢ il établit une distance physique et psychique : “la place du spectateur”, c’est-à-dire, l’attitude, le comportement, la sensibilité visés par la mise en scène des actions et des paroles des acteurs sur la scène.
Une coupure sémiotique. Un espace de dramatisation.
Le théâtre n’existe qu’ici et maintenant, dans une relation entre la scène et la salle — ces « deux espaces qui se fascinent l’un l’autre », selon la belle formule d’Armand Gatti. La représentation n’a de réalité que dans l’instance du présent, dans l’émergence de sa manifestation, puis dans la mémoire de celui qui en fait l’expérience.
Le théâtre, art de l’espace et du temps, a été l’objet de réflexions sur la construction de l’espace de l’action : scénographie, décors, rapport scène/salle…, autant de thématiques qui ont marqué les transformations de l’espace de la scène. Mais qu’en est-il du temps de la représentation : de ce temps partagé entre la scène et la salle, de ce temps commun au groupe, de ce temps social ?
L’histoire du théâtre a présenté différentes formes esthétiques qui déterminent la place du spectateur, place du point de vue de ses attentes et de son comportement sensible devant ce qui lui est proposé comme spectacle. Place qui lui est attribuée par la représentation considérée comme le dispositif matériel, intellectuel et sensible produit par la mise en scène, en particulier par la conception du jeu de l’acteur dans son rapport au spectateur. L’espace du prédicateur laïc dont parle Diderot. L’espace théâtral naturaliste, espace de l’illusion qui cherche à présenter la scène comme le lieu qui imite la réalité… Autant de Formes de l’espace théâtral qui se succèdent au XXe siècle.

L’espace de la scène du “théâtre pauvre”, voulu par Jerzy Grotowsky, le metteur en scène polonais des années 70, expérimente un dispositif qui met à nu les ressorts du corps en action. Il définit sa théorie du théâtre pauvre : un théâtre qui valorise le corps de l’acteur et sa relation avec le spectateur et délaisse les costumes, les décors et la musique.
L’espace du théâtre épique de B. Brecht : un espace de la prise de conscience
Walter Benjamin, dans, Qu’est-ce que le théâtre épique ? Une étude sur Brecht (1931), écrit, à propos du théâtre épique :
« Il s’agit du comblement de la fosse d’orchestre. L’abîme séparant les acteurs du public comme les morts des vivants, un abîme dont le silence augmente le sublime du spectacle dramatique et dont la musique accroît l’ivresse à l’opéra, ce abîme qui, d’entre tous les éléments de la scène, porte la marque la plus indélébile de son origine sacrale se trouve à présent dépourvu de fonction. La scène s’est muée en podium. C’est sur ce podium qu’il y a lieu de s’installer »
Un théâtre de la distance ; un théâtre de la proximité
Le paradoxe de cette pratique théâtrale que Brecht développe, dans les années cinquante à Berlin Est, dans la salle à l’italienne du Berliner Ensemble consiste à supprimer l’illusion et le vérisme ; à montrer que les choses ( les rapports sociaux) ne sont pas ce qu’ils prétendent être ; à demander à l’acteur d’établir un léger décalage entre son jeu et le comportement du personnage ( la distanciation) ; établir avec le spectateur une relation qui met ce dernier dans une attitude de proximité et d’attention sensible…
C’est sur les planches que se réalise la distance d’avec la salle et c’est le jeu de l’acteur qui l’établit : il n’est plus seulement un interprète mais un médiateur. L’apport esthétique de Brecht est de proposer « une nouvelle organisation des rapports entre la scène et la salle qui anticipe une transformation des rapports entre le théâtre et la société », comme l’écrit un des collaborateurs de Brecht, dans les années 50, Manfred Wekwerth.
Il faut retenir de la pratique et des textes théoriques de Brecht, à propos de l’espace théâtral, l’idée que c’est au spectateur, non aux personnages, qu’appartient le dernier mot. Dès lors, entre la scène et la scène la séparation n’est plus absolue, l’identification entre le spectateur et le personnage n’est plus recherchée.

Le théâtre pour transformer le monde ?
À partir des années 1970, une conception nourrie par la lecture de l’œuvre théorique de Brecht a voulu faire du théâtre un moyen de la prise de conscience politique. Chez ce dernier, la volonté de montrer que le monde est transformable doit trouver ses moyens dans la mise en scène. La vulgate brechtienne oubliait parfois que « l’affaire du théâtre, comme d’ailleurs de tous les autres arts est de divertir les gens ». Une approche dogmatique des conceptions de Brecht s’est parfois empressée de convertir la scène en tribune ou en chaire, pour exposer des leçons de choses à un spectateur privé de toute trace de spectaculaire, afin de lui éviter de sombrer dans l’identification.
Les formes de théâtre militant, qui apparaissent dans la décennie 1968-1978, sont un autre exemple d’illusion culturaliste qui cherche à substituer l’action du théâtre à celle de la politique. Ces formes conjuguent idéologie et esthétique. Théâtre révolutionnaire, d’intervention ou encore d’agit-prop, ces pratiques cherchent à s’insérer aussi bien dans l’institution théâtrale qu’à vivre dans ses marges. Elles investissent la rue, un local désaffecté ou encore l’estrade du meeting. Elles visent par des moyens esthétiques à placer le spectateur dans une attitude de distance critique. En un mot, elles se veulent performatives. Se réclamant du politique, ces pratiques cherchent à transformer le spectateur.
On pourrait dire que dans les années 1960, le théâtre affirme sa vocation politique lorsque le thème de la Révolution perd sa dimension de mythe et s’inscrit à l’ordre du jour du politique. La revue d’extrême gauche, Partisans, publiait en mars 1967, un numéro spécial intitulé Théâtres et politique dans lequel deux orientations étaient distinguées : le « théâtre–mouvement » et le « théâtre-institution ». Le théâtre-mouvement se développe en dehors du cadre des institutions théâtrales ; il s’appuie sur des groupements politiques, des mouvements syndicaux ou encore sur les luttes de communautés culturelles.

Un des exemples les plus significatifs est celui de El Teatro Campesino dont la naissance est liée à la grève contre les grands propriétaires vinicoles de la San Jaoquim Valley en Californie, grève qui s’est prolongée de 1965 à 1970.

Aux Etats-Unis, une autre forme de théâtre politique s’affirmera comme un instrument de subversion. Un des créateurs du San Francisco Mime Troupe, Ronny Davis, revendiquera la qualité de “théâtre guérilla”. Cette qualification se justifiait à ses yeux par le fait que ce théâtre cherchait à remplacer l’ancien par le neuf et ne pouvait vivre, comme la lutte de guérilla, qu’avec l’aide de la population à laquelle il s’adresse. Pour des artistes comme Richard Schechner du Performance Group, le “théâtre guérilla” valait comme action symbolique fondée sur la mobilité de l’action et la surprise. La notion de guérilla intervenait comme métaphore et ce théâtre présentait des analogies avec ce que faisaient les “Provos” aux Pays-bas, au début des années soixante. Un autre exemple peut être donné en France par le Théâtre de la Carriera qui se définit, dès 1971, comme théâtre occitan, en liaison avec les luttes des paysans viticulteurs d’Occitanie.
Quelques années plus tard, en Europe, comme aux Etats-Unis, les conditions d’existence du théâtre politique ne sont plus les mêmes.
En France, dans les années 1970, l’exacerbation des luttes sociales et leur fragmentation font naître d’autres formes d’action. Le théâtre-mouvement aura du mal à trouver une place dans le champ politique.
À côté d’un théâtre, qui s’affirme comme une arme au service de la révolution sociale, apparaissent des formes qui revendiquent la création d’une contre-culture. La Révolution dont se réclament alors certains groupes n’est plus politique, mais sexuelle et comportementale. Elle vise non plus à libérer les classes dominées mais l’individu à travers sa parole et ses désirs.
Un théâtre contemporain ?
À la fin des années 1950, un spectre s’étend sur la scène et hante les metteurs en scène engagés dans la volonté de participer à la transformation sociale : le spectre de l’illusion. Le naturalisme, qui est loin d’ailleurs d’être l’esthétique dominante, devient la cible idéologique : le monde réel ne doit pas être confondu avec sa représentation mimétique. À partir des années 1960, avec la crise culturelle qui fragilise l’idée de théâtre populaire, différentes idéologies (le marxisme, la psychanalyse et le structuralisme) viennent coloniser la scène de théâtre.
La distinction que proposait Brecht entre le Théâtre carrousel et le Théâtre planétarium est-elle encore pertinente ? Le Théâtre carrousel qui emporte le spectateur dans la fascination et l’hypnose est-il à rejeter au bénéfice du Théâtre planétarium qui demande au spectateur une distance critique vis-à-vis des émotions que la scène lui propose ? Cette dichotomie n’oblige-t-elle pas à choisir entre sensibilité et intelligibilité, entre émotion et raison ? La responsabilité civique de l’institution théâtrale publique a-t-elle encore un sens à l’époque des grands dispositifs de diffusion des images ? Je le crois. À condition de renouer avec la spécificité de la représentation vivante qu’est la « représentation des actions des hommes donnée à voir et à entendre à d’autres, réunis pour l’occasion » .
Peut-être, plus que tout autre fait artistique, la représentation a été chargée d’une mission d’éducation, d’accompagnement du changement social et de participation à la prise de conscience du citoyen. Tant qu’elles occupaient, dans l’espace public, une place significative dans les activités de communication sociale, de rencontre et de divertissement, les formes théâtrales ont joué un rôle majeur dans la représentation du réel.
Les expériences théâtrales qui se réclament du théâtre politique, dans la décennie 1968-1978 ont cherché à transformer la coupure symbolique entre le lieu de la scène et celui de la salle. La salle étant conçue comme rassemblement des futurs acteurs du politique et la scène comme lieu de dévoilement et d’expérimentation des rapports sociaux. Il s’agissait de passer de la scène de représentation des comportements à la scène Podium où les personnages, construits et montrés par les acteurs, se présentent aux spectateurs afin qu’ils prennent la responsabilité d’achever la pièce dans la vie réelle. Le rejet de la coupure scène/salle rejoignait l’ambition de fondre représentation et vie quotidienne, comme l’avait tenté le Living Theater avec The Connection. L’espace théâtral du Living était conçu pour produire un choc, pour affecter la sensibilité du spectateur, à travers un travail de l’ acteur fondé sur l’engagement corporel.Les deux paramètres, la coupure scène/salle et la reconnaissance de la fiction représentée sur la scène permettent d’établir une grille de classement des formes théâtrales engagées dans une transformation de la société.

Aujourd’hui, dans une époque de dégénérescence de l’espace public et des pertes d’illusion sur l’efficacité de la représentation théâtrale. Aujourd’hui que la thématique de la Révolution n’est plus d’actualité et que les idéologies de transformation révolutionnaire semblent n’avoir plus de prise sur les consciences individuelle et collective ne faut-il pas placer le théâtre et l’espace sur lequel il peut se déployer dans une ambition plus modeste ? Délaissant la visée des lendemains qui chantent, le théâtre ne peut-il se projeter dans l’instance du présent ? Le théâtre public ne peut-il se mettre en quête d’une ambition contemporaine ?
Le contemporain étant, selon Georgio Agamben, « celui qui reçoit en plein visage le faisceau de ténèbres qui provient de son temps ». Le contemporain est ce qui peut éclairer les ombres du présent et en souligner les contradictions.