Si comme le pensait Marcel Duchamp, « c’est le regardeur qui fait le tableau», on peut affirmer qu’au théâtre, c’est le spectateur qui fait la représentation ; c’est lui qui donne sens et réalité à l’événement artistique qui met en relation la scène et la salle. Toute la question est de savoir comment s’effectue ce “faire” et à quelles conditions l’expérience subjective du spectateur peut devenir une expérience collective transmissible. Dans le dispositif complexe qu’est une représentation théâtrale,“ici et maintenant”, se conjuguent scénographie, actions et paroles de l’acteur, attentes du spectateur… Ainsi s’élabore une relation sensible qui s’inscrit dans la mémoire.
La représentation de Cour d’honneur conçue par Jérôme Bel m’a procuré un plaisir que peu de spectacles ont su me donner ces dernières années.


Outre cette jouissance esthétique qui demeure la finalité visée par la représentation théâtrale, ce spectacle est un acte artistique qui apporte une réponse à la question fondamentale de l’activité sensible du spectateur, dans la mesure où il convoque des expériences de spectateur dans un dispositif qui permet de partager une émotion et une mémoire en les exprimant.
Le dispositif proposé par Jérôme Bel n’est pas seulement constitué par les 14 chaises disposées en arc de cercle sur la scène de la cour d’honneur. Il est d’abord un point de vue artistique qui accorde une place au spectateur : celle qui attribue une valeur et un sens à la Forme qu’il reçoit. Tout au long du spectacle, le dispositif se révèle dans la résonance entre des paroles de spectateurs, des citations en actes, des projections sur le mur de la cour…
Les 14 personnes qui, au début du spectacle, viendront s’asseoir sur les 14 chaises, ne vont pas se transformer pour autant en acteurs. Elles ne se présentent pas comme des personnages de fiction qui porteraient sur la scène une parole qui ne serait pas la leur, dans la perspective de construire un récit en action. Ces personnes viennent témoigner de ce qu’elles ont vécu, d’une expérience qui les a marquées et qui, pour la restituer, ont choisi les mots, le phrasé, le rythme qui la rendent sensible aux spectateurs à qui elles s’adressent, que ceux-ci aient vu ou non le spectacle évoqué par ces paroles.
L’esprit du lieu
L’héritage de Vilar
cf. Barthes , « Avignon l’hiver ». ds Écrits sur le théâtre

« Ce qu’Avignon a donné à Vilar, ce n’est pas un lieu privilégié, un site prestigieux, suant de spiritualité. Heureusement non : c’est un lieu simple, froid, naturel, disponible au point que l’homme pouvait enfin y installer le travail de l’homme, et le surgissement du spectacle hors d’une matière sans voix et sans complicité » Ce lieu exigeait que l’on traitât l’homme, non comme un enfant attardé à qui l’on mâche sa nourriture, mais comme un adulte à qui l’on donner le spectacle à faire ». (p.70).
Le spectacle, Cours d’honneur, n’est pas seulement remarquable en ce qu’il témoigne artistiquement de l’esprit d’un lieu, la Cour d’honneur du Palais des papes, il l’est par la mise en scène des paroles de spectateurs qui viennent résonner dans le lieu même où l’expérience spectatrice s’est constituée.

La conjugaison des paroles énoncées sur la scène de la cour et des fragments de spectacles qui les ont générées leur confère ainsi une valeur susceptible de mettre en mouvement la sensibilité et la mémoire du spectateur. Dans cette hybridation des émotions et des souvenirs énoncés par les 14 personnes choisies par Jérôme Bel et des extraits représentés ou des images, se manifeste l’intention de mettre « le spectateur à l’honneur».
Un art de l’association
Dans la Cour d’honneur, tout au long de la représentation, les vibrations provoquées par la “première fois” de l’expérience de spectateur sont revivifiées et amplifiées.
Ainsi le souvenir de Monique Rivoli — née en 1947, l’année précise où Jean Vilar lance le festival d’Avignon On lui avait offert un «microsillon» des deux pièces Le Cid et le Prince de Hombourg, jouées par Gérard Philipe.



Dans Cour d’honneur, elle nous donne à entendre l’émotion qui a été la sienne à entendre, après la première fois où elle a pu, enfin, assister à une représentation dans la cours : celle de Fracasse mise en scène par M.-N. Maréchal.
Des passions entretenues comme la sienne s’expriment : celle de Jacqueline Micoud, inspirée toute sa vie par Antigone, vue dans la cour, alors qu’elle avait 17 ans et qui ne manque pas de noter que Vilar se préoccupait de ce qui se passait dans la salle ou encore celle de Bernard Lescure, ému aux larmes par Le soulier de satin de Claudel monté en intégrale, de 22 h à 8 h du matin, par Antoine Vitez en 1987.

Il en va de même de la passion perturbée du médecin de garde de la cour, pendant 20 ans, empêché de voir Isabelle Huppert dans Médée montée par Jacques Lassalle en 2000, du fait d’incessantes interventions auprès de spectateurs malades. Toutes ces émotions évoquées viennent réveiller ou susciter les nôtres. Ces réminiscences rendues possibles par le dispositif théâtral qui injecte des fragments de la “première fois” peuvent se reproduire, aussi bien pour celui qui formule ce souvenir que pour celui qui, dans la salle, en est le témoin. La “première fois ”a pu aussi bien provoquer de l’incompréhension, de la déception ou de l’ennui.
La magie de ce spectacle résulte de l’efficacité d’une idée qui associe, d’une part, l’expression simple, sans apprêt ou emphase, du témoignage d’une expérience esthétique de spectateur et, d’autre part, un “drame” — au sens littéral du terme : une action avec un début et un fin qui produit des effets immédiats et différés. Ce segment est (re)joué, sous des formes diversifiées, par l’interprète qui en a été l’exécutant, la première fois, lors de la représentation à l’origine de souvenir. L’énonciation formulée par un spectateur qui dit Je et une intervention jouée, dansée ou filmée de l’acteur qui revit à nouveau un segment significatif de la performance que fut la représentation font naître chez ceux qui assistent, dans la salle, à la possibilité de partager une expérience esthétique. C’est dans le jeu entre une mémoire qui se dit et la représentation d’un fragment d’un spectacle passé que se construit l’être du spectateur de Cour d’honneur. Il assiste à quelque chose qui, au-delà de sa co-présence, en fait le récepteur d’un “ dit” et d’un événement dramatique. En assistant à cette association, il y prend part.
Comme l’écrit Gadamer, dans Vérité et méthode, analysant la condition de spectateur. Être spectateur est un mode authentique de participation :
Assister à une représentation, comme réalisation subjective du comportement humain, c’est être hors de soi . La “présence à”, qui est oubli de soi, constitue l’essence du spectateur : « en s’oubliant, il se voue au spectacle ».
Il en est ainsi lorsque le visage d’Isabelle Huppert s’affiche sur les vieilles pierres du mur du Palais des papes pour dire quelques phrases de Médée, en direct d’Australie, par le biais de Skype, où elle joue «Les Bonnes ». Entre la vidéo projetée sur le mur, la diction maîtrisée d’Isabelle Huppert qui tient à distance cette confession insoutenable de Médée se préparant à tuer ses enfants, l’évocation de ce que fut l’émotion du spectateur qui vient rappeler son expérience et les deux niveaux de découverte de la vidéo, celle des protagonistes sur la scène et des spectateurs dans la salle, dans ce dispositif se conjuguent et se fondent des sensibilités. Une communauté se fait corps, le temps d’un spectacle, par des médiations énchevêtrées.

Des découvertes, comme celles de Vassia Chavaroche qui évoque sa surprise et sa peur lorsqu’il voit un homme grimper au mur du Palais des papes dans Infernode Romeo Castellucci (2008) pour «se nicher dans la rosace et marcher sur les tuiles du toit», se réitèrent pour ceux qui n’ont pas vu ce dernier spectacle.
L’énonciation de ce souvenir fait alors apparaître le grimpeur Antoine Le Ménestrel qui entame aussitôt l’escalade sous les yeux des spectateurs ébahis.
Les 14 personnes présentes sur le plateau sont renvoyées au même statut de spectateur que celui des personnes dans la salle du spectacle dans lequel elles interviennent comme protagonistes.
Pascal Hamant qui travaille au cinéma Utopia d’Avignon, lui, n’a pas souhaité intervenir in presentia, il a enregistré son témoignage qui se projette sur le mur. Il raconte comment la voix d’Agnès Sourdillon lui avait fait «l’effet d’un citron dans la bouche».

Et voici l’Agnès de 2003, convoquée par la mémoire de Pascal, qui vient jouer une scène de L’École des femmes avec Bernard qui lui donne la réplique en lisant le texte sans lever le nez de la brochure, comme pour marquer la différence des statuts esthétiques des deux “ diseurs” : elle en costume de scène, lui en tenue quotidienne ; elle, dans l’action du personnage ; lui se contentant de lui renvoyer, de la manière la plus neutre, le texte de Molière.

Du spectateur au public
Le processus de fusion et de métissage de la mémoire revivifiée et d’une reproduction d’une scène ne produit pas, à mon sens, comme certains ont pu l’écrire, une notion bâtarde, celle du “ spect-acteur”, chimère qui ressemblerait à cette créature imaginée par Kafka dans sa nouvelle, « Un croisement » (cf . La muraille de Chine :
Une étrange bête, moitié chaton, moitié agneau. Du chat, elle a la tête et les griffes ; de l’agneau la taille et la forme . Cette étrange bête ne sait pas miauler et les rats la dégoûtent .
Il est à craindre que le supposé “spect-acteur” soit porteur des mêmes manques : il ne possède aucun des attributs de ce que l’acteur et le spectateur ont respectivement en propre. Le “spect-acteur”, pure condensation verbale, rend inexistant ce qui fait le spectacle : la distance qui permet de construire la relation sensible.
Et lorsque Pascal Hamant vient reproduire une expérience qu’il a vécue comme figurant, dans le spectacle de Castelluci, Inferno, qui l’a tant bouleversé : ce moment où, debout sur un cube placé au fond de la scène, il se jette en arrière dans les bras d’autres figurants, il revit l’émotion et le plaisir qui ont été les siens, la première fois.

L’acte artistique qu’est ce spectacle est aussi une réponse à une question qui acquiert une nouvelle actualité : comment une expérience subjective, celle du spectateur, contribue-t-elle à constituer un public qui est loin d’être une entité sociologique constitué de personnes qui feraient corps ?
Du spectateur au public
Ces trente dernières années, la question du public comme entité sociologique est trop souvent venue masquer la question de la place du spectateur dans le spectacle, place faite d’attente, de comportement sensible, d’attention cultivée… Se placer du côté du spectateur, se focaliser sur la posture de spectateur, posture mentale et sensible, c’est élargir le point de vue d’une sociologie de la culture à une perspective esthétique et, de ce fait même, poser la question de l’éducation artistique du spectateur.
Ce que ces 14 personnes viennent nous dire des spectacles qui les ont marquées n’est en rien le compte rendu du spectacle qu’elles ont vu, le pur « en soi » de la chose mais la marque et l’empreinte de ce qu’elles ont vécu. La transmission de l’expérience spectatorielle des protagonistes est possible grâce au dispositif en miroir : ils nous regardent et nous parlent ; nous les regardons et les écoutons.
La thématiques des énonciations
Barthes, en 1954, déclarait que, trop souvent, sur les scènes bourgeoises, le spectateur n’a pas beaucoup à imaginer, tout lui vient cuisiné, il n’a qu’à ingérer.
Depuis, la réalité de la représentation théâtrale et la condition de spectateur ont été transformées. La décentralisation théâtrale, le processus de démocratisation des œuvres du répertoire, l’invention des metteurs en scène ainsi que la diversité des écritures dramatiques ont produit une nouvelle conscience spectatrice bien différente de celle de la première moitié du XXe siècle.
La multiplicité des formes théâtrales ont modifié l’horizon d’attente du spectateur, horizon constitué d’habitudes, de comportements, de normes, de distinction entre réel et imaginaire … Il n’en reste pas moins que l’héritage de Jean Vilar à travers ses créations dans la Cour d’honneur demeure présent, et ce testament n’est ni à déchiffrer dans un répertoire, une esthétique de mise en scène ou encore un style de jeu : il est à rechercher dans une éthique de la relation au spectateur.
Le récit que nous offre chacune de ces 14 personnes qui viennent, tour à tour, raconter leur expérience de spectateur dans la cour d’honneur redonne une valeur à cette faculté qui aux yeux de Walter Benjamin « semblait inaliénable, la plus assurée entre toutes : la faculté d’échanger des expériences ». (Œuvres III, p. 114).
Dans son essai, « Le conteur », publié en 1936, il constatait que le cours de l’expérience — ce qui a été vécu et s’est inscrit dans une mémoire — a chuté. Cette expérience transmise de bouche en bouche qui est la source à laquelle tous les conteurs ont puisé et qui est le moteur du récit a perdu de sa valeur : Si l’art de conter est devenu chose rare, cela tient avant tout aux progrès de l’information (p. 123).
L’information n’a de valeur qu’à l’instant où elle est nouvelle. Elle ne vit qu’à cet instant, elle doit s’abandonner entièrement à lui et s’ouvrir à lui sans perdre de temps. Il n’en est pas de même du récit : il ne se livre pas . Le récit pour Benjamin est une forme artisanale de la communication et l’art de raconter les histoires est toujours l’art de reprendre celles qu’on a entendues.

Selon Barthes, dans tout art civilisé, et il précise qu’il ne s’agit avec ce qualificatif d’aucun jugement de valeur, « l’intelligence est la condition originelle de l’émotion ». (p.42).
La mémoire sensible, celle de l’acteur qui doit la cultiver pour faire revivre des émotions qu’il a vécues (cf. Stanislavski) ; celle du spectateur qui doit la faire revivre pour en témoigner dans un dispositif de spectacle sont des processus qui permettent de relier intelligence et sensibilité.
La thématique de la mort et le don des larmes
Une des caractéristiques des mémoires de spectateurs qui s’énoncent sur le plateau de Cours d’honneur est la référence à des questions fondamentales de la représentation théâtrale, et en particulier la thématique du temps de la scène et du temps de la salle, du phénomène de l’ennui, des mécanismes qui favorisent l’expression des larmes. Ces trois thématiques liées sont convergentes : elles évoquent la fragilité du spectacle vivant et de son destin qui ne peut se prolonger que dans la conscience du spectateur, une fois le spectacle terminé. Ces thématiques sont consubstantielles à l’expérience du spectateur comme le montre le beau texte, Un spectateur, écrit par par Daniel le Beauan, un des témoins convoqué sur le plateau pour partager sa très riche mémoire de spectateur dans la cours d’honneur.
Bien des “dits” de spectateur se réfèrent à la thématique de la mort, celle des personnages qui les ont affectés ou de leurs illusions, celle de la représentation ou celle d’un monde humain. C’est le cas du spectacle de Boris Charmatz, Enfant, tel que le revit Anna Mazzia qui, pour nous transmettre l’impression qui fut la sienne au spectacle des enfants “manipulés” par les adultes, reproduit leur course haletante avant de reprendre son souffle pour nous faire part de son émotion.
La mort est à l’horizon de la représentation théâtrale comme c’est le cas avec le spectacle de Romeo Castelluci, Inferno, évoqué par plusieurs des protagonistes ou encore de Woyzeck de Georg Büchner monté par Thomas Ostermeier. Cette référence à la mort résulte d’une raison simple due à la nature même de la représentation qui, comme le note Daniel Le Beuan, «donne à voir des vivants ». Ce dernier cite avec beaucoup de bonheur l’aphorisme de Marie-Madeleine Mervant-Roux : « L’homme-spectateur est celui qui survit au spectacle.» Et c’est l’ouverture sur l’humain qui évoque, en creux ou en plein, littéralement ou métaphoriquement, la mort.
C’est vers la pensée de Benjamin que je voudrais revenir pour comprendre cette thématique de la mort, telle qu’elle apparaît dans les récits. La référence à cet auteur n’est pas surprenante dans ce site dont le nom est emprunté à un de ses texte les plus importants, Affinités électives, texte critique sur le roman du même nom de Goethe. Comme le remarque Benjamin, « au cours des siècles la pensée de la mort a perdu de son omniprésence et de sa force suggestive dans la conscience collective » (le Conteur, p. 129). «La mort est la sanction de tout ce que relate le conteur». Et si l’expérience de ma mort ne peut être «une expérience de ma vie » comme l’affirme Jorge Semprun, le récit est bien souvent le chemin qui rend compte d’une vie ou plutôt du sens d’une vie.
Faut-il alors s’étonner si la thématique des larmes se trouve convoquée à plusieurs reprises dans les souvenir des protagonistes de Cour d’honneur ? Ainsi Marise Icari, nous déclare que les spectacles de Pina Bausch, Nelken et Walser lui ont donnée sa place ; après un long silence, elle nous confie : « Pina m’a appris à pleurer ». C’est également le témoignage de Bernard Lescure lorsque citant la réplique de l’annonceur du Soulier de Satin : « c’est ce que vous ne comprendrez pas qui est le plus beau », déclare que, sans savoir pourquoi, il s’est mis à pleurer dans la dernière scène de ce spectacle mis en scène par Antoine Vitez. Les larmes suscitées par un spectacle viennent bien souvent sans cause, comme un trésor immérité. Les larmes disent les textes qui parlent des premiers âges « étaient tenues pour une faveur céleste…, pleurer était un acte pieux ; ceux qui ne savaient ni prêcher, ni parler les langues ni faire des miracles, pleuraient… ».
C’est aussi ce que note Roland Barthes, lorsqu’il évoque les pouvoirs de la tragédie antique et qu’il rappelle que:
Saint Louis considérait les larmes comme un don, et il priait Dieu de lui accorder la faveur d’une petite larme qui lui viendrait non seulement au cœur, mais aussi au visage et à la bouche (Barthes, p. 35).
Hommage à Hortense Archambault et Vincent Baudriller
Comment, à propos de ce spectacle, ne pas rendre, en même temps qu’au spectateur, un hommage à Hortense Archambault et Vincent Baudriller ? Avec cette commande à Jérôme Bel, et par leurs choix artistiques, ils ont déplacé les débats trop souvent faussés opposant, ces dernières années, théâtre de texte et théâtre de performance. Comme si la représentation n’était pas toujours et aussi une performance : une intervention active destinée à être vue et qui produit des effets spécifiques ? Archambault et Baudriller ont su, durant leur direction, être sensibles aux nouvelles orientations de la création du spectacle vivant ; le corps en action et le métissage des expressions ont trouvé leur place, parfois difficilement, dans le spectre qui aujourd’hui constitue le spectacle vivant. Il n’est d’ailleurs pas indifférent que lorsque les protagonistes de Cours d’honneur évoquent leurs émotions devant les grandes questions avec lesquelles s’affrontent la représentation, la mort, l’amour, la compassion, c’est le texte proféré qui porte et transmet l’émotion : Médée; Antigone, Le Soulier de satin… Ce sont également ces grands événements qu’ont été les performances de Pina Bauch ; Jan Fabre ; Roméo Castelluci qui ont été les médiations suscitant les pleurs à travers la thématique de la mort.
Dans l’opposition stérile, culture pour tous/culture pour chacun, Hortense et Vincent ont à leurs manières, et par leurs choix artistiques, refusé cette alternative en prenant tous les risques pour ne pas répondre à des supposés besoins ou attentes du public. Avec Cours d’honneur, ils ont assumé une responsabilité artistique qui prend sa part dans ce qui est devenu un enjeu fondamental de la création théâtrale : viser l’éducation artistique du spectatgeur par une ouverture vers la subjectivité de la réception et une expérience vécue du support (la scène) qui transmet l’expression. C’est en cela qu’ils sont les héritiers de Vilar.